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L’entretien annuel : un acte de commandement fondamental





Article rédigé par Charles-Albert Ponce, Directeur Associé chez [Amiral.]


Mission fondamentale du manager


Lorsqu’ils sont menés, les managers appréhendent souvent « l’épreuve » de l’entretien annuel d’évaluation. Souvent mal tenus, leur exercice est également mal compris par les collaborateurs et considérés comme inutiles (44% des personnes interrogées selon une étude Elevo 2021).

Selon Opinion way (sondage pour Javelo 2022) 79% des salariés (86% des moins de 35 ans) pensent qu’un entretien amélioré pourrait contribuer à fidéliser les salariés de l’entreprise, en plus de les motiver.


Pourquoi ces entretiens sont-ils décriés : 

  • Selon Opinion way (étude précitée), cet entretien est perçu comme un exercice subjectif avec beaucoup d’enjeux sur lesquels ils n’ont pas de prise.

  • 54% des personnes interrogées estiment qu’ils ne sont pas suivis d’actions comme un accès à de la formation ou à de nouveaux outils


Et pourtant lorsqu’ils sont bien menés et qu’ils sont qualifiés comme étant « très utiles », alors 93% des personnes satisfaites estiment que les objectifs de l’entreprise sont compris. Cela en en dit long sur la communication en entreprise.


D’un point de vue légal, le code du travail ne prévoit pas « d’entretien « d’évaluation » ne retenant que la notion « d’entretien professionnel » à conduire tous les 2 ans. Leurs objectifs sont centrés sur la nature et l’évaluation de la charge de travail, les aspirations du collaborateur et ses besoins en formation. Ils ne sont pas destinés à partager un avis sur la qualité du travail accompli ni sur l’engagement du collaborateur.


Et pourtant lorsque l’on prend du recul on entrevoit facilement tout l’impact d’un temps d’échange privilégié et formel avec son manager qui alignera la trajectoire de l’individu avec celle de son collectif.



Prenons exemple sur les Armées.


Dans les Armées les mots sont assumés. Il s’agit bien de notation. Le processus de notation est un rendez-vous incontournable particulièrement structuré dont le cadre est fixé par les règlements. La notation consiste en l’évaluation par l’autorité hiérarchique des qualités morales, intellectuelles et professionnelles du militaire, de son aptitude physique, de sa manière de servir pendant une période déterminée et de son aptitude à tenir dans l’immédiat et ultérieurement des emplois de niveau plus élevé.


Au-delà du formalisme, c’est un l’un des outils clés d’une démarche de feedback destinée d’une part à soutenir une politique de développement personnel continu mais aussi à rendre équitable les travaux de sélection en vue d’établir le plan d’avancement. 


La « notation » est un attribut de l’autorité et à ce titre est considérée comme un acte de commandement. Il engage les deux parties et se doit d’être argumenté de façon détaillée. Il nécessite pour cela une préparation très rigoureuse qui se finalise par une évaluation des compétences et des savoir être sur des grilles très précises et surtout la rédaction d’une « manière de servir » détaillée. 


Le savoir-faire de la notation est elle-même une compétence évaluée par l’échelon supérieur. Chaque proposition de notation est en effet complétée par un second notateur, échelon de management immédiatement supérieur.


Le travail préparatoire demandé au noteur oblige un temps de réflexion conséquent. Le chef militaire ne peut pas contourner sa responsabilité. Il est attendu « au tournant » et se doit de produire une notation irréprochable.


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Et dans le privé ?


Certaines entreprises n’ont pas mis en place de processus formel, d’autres déploient des

processus tellement complexes qu’ils perdent leur sens au nom de la recherche d’une objectivité totale derrière laquelle le manager se déresponsabilise. D’autres encore (et s’est difficile d’y échapper) associent à l’entretien de performance, une discussion sur le salaire qui dénature l’objectif initial.  


L’objectif de cet article n’est pas de rappeler le cadre formel des entretiens individuels en entreprise ni de préciser une méthodologie stricte, il existe une littérature copieuse sur le sujet. Je vous partage quelques tips et points de vigilance qui m’ont aidé à l’occasion de ces moments clé de management ou que j’ai pu observer dans mon entourage professionnel.


Intérêts d’une évaluation correctement menée.


Tout d’abord, rappelons les objectifs d’un entretien correctement mené : 

  • Partager de l’information dans le cadre privilégiée d’une relation one to one, 

  • Mieux appréhender le contexte de travail du collaborateur, cet environnement de plus en plus méconnu du fait des nouveaux mode de travail,

  • Déceler des signaux faibles (surmenage, état dépressifs, environnement toxique), 

  • Évaluer et encourager le développement professionnel du collaborateur,

  • Acter l’atteinte ou la non atteinte des objectifs qui ont été assignés,

  • Poser les attentes en termes de résultats ou de développement personnel 


Cet entretien consolide la relation entre le manager et son collaborateur. Il renforce la posture managériale en permettant de témoigner au collaborateur l’intérêt que lui porte son manager.


Des conditions facilitent ce rendez-vous majeur.


Un cadre « sécurisant »


En premier lieu, il me paraît essentiel de poser un cadre « psychologique » sécurisant pour la personne évaluée. En effet, la compréhension et l’acceptation d’un avis défavorable ou même de conseils d’amélioration n’est pas automatique. Les mots mal choisis, le ton mal placé, l’attitude hautaine peuvent provoquer des réactions de rejet contreproductives. 


Les conditions de « sécurité psychologique » résultent le plus souvent de la posture habituelle du manager.  Considéré comme « accessible » et communiquant, le manager conduira cet entretien à l’instar d’autres rencontres moins formelles.  Le collaborateur sera mieux ouvert à l’échange.

En revanche, le manager méconnu de l’équipe qui « s’obligera » à cet exercice installera une forme d’inquiétude et de stress préjudiciable à l’échange.  


J’avais pour habitude d’avoir la porte de mon bureau toujours ouverte et chacun pouvait « passer la tête ». Lorsqu’elle était fermée, c’était pour créer un cadre de confidentialité momentané. 


Du courage managérial


C’est l’une des qualités qu’il faut évaluer chez un futur manager avant de le promouvoir. Aura-t-il le courage de dire ce qu’il pense, de dire ce qu’il faut dire et ce même si cela déplait. Le management a parfois cet aspect ingrat qui oblige à faire face et à assumer une posture difficile.

Le manager fait partie d’une hiérarchie à laquelle il se doit d’adhérer et d’en porter les décisions. Il peut s’agir du refus d’une promotion ou d’une demande particulière. Le manager qui se défausse réduit son rôle à celui d’un simple « passeur ». 


En employant la première personne (JE constate que…), le manager assume son propos, agit avec responsabilité et renforce son autorité (bienveillante certes mais indiscutable).

Par opposition, le manager doit fuir les « on m’a dit que … », les jugements, les approximations qui « noient le poisson ». Fuir également les fausses promesses qui créent de la déception et renforcent le ressentiment. 


Ce courage, comme celui de prendre des décisions est un marqueur du leadership qui aura vite fait le tour des popotes.


Les managers qui (par exemple) devront annoncer à leurs équipes sur demande de leur propre hiérarchie une réduction du volume de télétravail se retrouveront dans cette problématique. Il sera malheureusement plus facile de dire : « C’est la direction qui veut…. » que d’assumer « Les règles de télétravail évoluent et cela permettra de … »  


De l’exemplarité


Il n’est peut-être pas utile d’expliquer la perte de crédibilité d’un manager qui n’agit pas dans le sens de ce qu’il prescrit (retard, défaut d’engagement, attitude, manque de rigueur, etc.) .

Cela peut être le cas d’un manager qui du fait de son comportement en et hors service avait perdu toute crédibilité pour remettre de l’ordre dans son équipe ou porter un message d’insuffisance à tel ou tel membre. 



L’exemplarité est un autre marqueur du leadership.


De la méthode


Le reproche d’une situation observée en début d’année et qui sort du chapeau en fin d’année ne passe pas. Et à raison ! Le management ne peut se résumer à un entretien annuel mais au contraire s’enrichit de points intermédiaires surtout lorsqu’il faut faire évoluer une situation ou un comportement. Le manager se facilite l’exercice en rappelant lors de l’entretien annuel les rappels effectués précédemment.


C’est essentiellement le cas lorsqu’une dérive sur les résultats chiffrés s’observe depuis déjà plusieurs mois. Ne pas les soulever au fil du temps peut être considéré comme une forme de tolérance voire d’acceptation.


Il en est de même de l’équité de traitement au sein d’une équipe. Les passe-droit ou traitement privilégiés des uns par rapport aux autres mettent à mal la crédibilité du manager .


Le but ultime d’un entretien annuel est le développement de la personne. Il est important de consolider les points positifs en n’omettant pas de les souligner. Sur les aspects moins favorables, il ne faut pas craindre de proposer des mesures raisonnables pour faire progresser.


Dans l’armée, l’avancement « au choix » (passage de grades) est initié par l’échelon responsable de la notation qui en attribuant un nombre limité de « niveaux » pose les conditions favorables à la promotion. C’est une responsabilité très lourde engagée par le noteur et qui, marquant son autorité, contribue très fortement à son leadership. 


Si dans une entreprise la politique de notation n’est pas aussi « engageante », elle n’en reste pas moins une occasion remarquable pour renforcer la posture du manager et développer son leadership.

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